Le cerveau contient environ cent milliards de neurones, établissant des connexions entre elles tout au long de la vie. Les contacts interpersonnels sont l'une des principales causes de formation de connexions neuronales.
On croyait dur comme fer jusqu'à récemment que le cerveau était immuable. Même aujourd'hui, selon la croyance populaire, des modifications du cerveau ne sont possibles que par des interventions médicales ou pharmaceutiques. Or, ce n'est pas comme cela que le cerveau fonctionne. Plutôt, le vécu de chaque personne engendre des changements continuels dans l'anatomie de son cerveau tout au long de sa vie, formant ainsi ses habiletés particulières ainsi que son caractère. Le réseau des neurones est en perpétuel réarrangement, autant relativement aux microchangements des neurotransmetteurs qu'aux grandes bases intégratives reliées à l'intelligence.
On découvre de plus en plus de liens entre la souffrance morale et le fonctionnement du cerveau. On sait maintenant que des manifestations purement biologiques au cerveau peuvent être modifiées par des expériences exclusivement humaines comme la psychothérapie, par exemple, sans aucune intervention chimique. Ainsi, la psychothérapie à elle seule peut modifier le fonctionnement du cerveau de façon permanente.
Le psychiatre Kandel (Prix Nobel 1998) a démontré la plasticité du cerveau. Par exemple, des images scannées du cerveau de musiciens témoignent de différences faisant suite à leur pratique d'instruments de musique. Leur cerveau «musical» s'est développé à la suite de leurs répétitions avec leurs instruments de musique et non à cause de gènes précis. Autres exemples : les neurones de rats élevés dans des environnements plus stimulants sont beaucoup plus branchés. Ces environnements rehaussés stimulent les rats au point que leur cerveau s'en trouve amélioré. Chez les humains, le nombre de dendrites neurales du centre du langage dans le cerveau est proportionnel au degré de scolarité d'un individu.
Pour bien comprendre, il faut savoir que le cerveau est constitué de neurones, environ cent milliards, qui établissent entre eux des connexions tout au long de la vie. Chaque neurone a une moyenne de 10 000 connexions qui le relient à d'autres neurones. Ce qui porte à environ un million de milliards de connexions dans le cerveau, faisant ainsi du cerveau la structure la plus complexe de la Terre. La connexion de chaque neurone se fait par l'émission de petites impulsions électriques qui déclenchent une substance chimique appelée neurotransmetteur, laquelle rejoint un autre neurone de cette façon, et il s'enclenche ainsi une série de répercussions sur une multitude d'autres neurones tous interconnectés. Ainsi, un seul neurone peut influencer une moyenne de 10 000 neurones à l'autre bout du processus lors de l'envoi d'un seul message. Le cerveau se forge de cette manière.
Or, savez-vous que les contacts interpersonnels sont parmi les principales causes de connexions des neurones? Dans son livre "The Developing Mind", le psychiatre Daniel Siegel explique comment l'esprit d'une personne émerge de l'activité de son cerveau, dont la structure biologique est formée par ses relations interpersonnelles dès le début de sa vie et tout au cours de sa vie. Ce qui fait dire à Siegel que «les connexions humaines forment les connexions des neurones». En effet, le vécu interpersonnel altère à la fois l'activité et la structure des connexions entre les neurones, formant ainsi les divers circuits responsables des divers processus du cerveau comme la mémoire, les émotions, la conscience de soi, etc.
Je fais le lien avec la dépression. Malheureusement, celle-ci est encore très mal comprise. On est porté à blâmer le cerveau ou les gènes, alors que les réelles explications relèvent de notre vécu et du sens que nous donnons à ce vécu. Il y a des échanges bidirectionnels constants entre notre cerveau, notre organisme et notre vécu. Ainsi, le calme ressenti à la vue d'un beau point de vue du fleuve Saint-Laurent s'accompagne d'un accroissement de l'amplitude des ondes alpha dans le cerveau. Autrement dit, le cerveau réagit en fonction de notre vécu. Nous ne sommes pas à la merci de la "mécanique biologique" de notre cerveau, puisqu'au contraire, nous agissons et notre cerveau se modifie en conséquence.
Les personnes en dépression ne sont pas les esclaves de leur cerveau détraqué qu'il faudrait remettre sur les rails nécessairement de façon chimique. Notre cerveau est en constante adaptation, et ceci en fonction de notre vécu, sans apport chimique externe. Le corps et l'esprit sont intimement liés. Des répercussions physiques se manifestent automatiquement à la suite de nos émotions, mais de façon temporaire, et vice versa. Dans le cas d'une dépression typique, il s'agit de changements normaux, mineurs et temporaires et non de pathologies graves du cerveau.
En résumé, ce que nous vivons au jour le jour change l'anatomie de notre cerveau. Notre personnalité est donc le fruit de l'interaction active entre notre bagage héréditaire et notre expérience concrète de la vie.
source : Yves Dalpé - Le Soleil
Merci à CC pour l'article...