COURSE CONTRE LA MONTRE POUR REFROIDIR LES RÉACTEURS DE FUKUSHIMA
Jérôme Rivet
Agence France-Presse
Tokyo
Le Japon luttait jeudi par tous les moyens pour tenter de refroidir les réacteurs de la centrale de Fukushima, mais le pessimisme ne cessait de se renforcer dans le monde, provoquant une fuite en nombre des étrangers de Tokyo.
Six jours après le séisme le plus fort jamais enregistré au Japon suivi du tsunami, le nombre de morts confirmés a dépassé 5000. Les recherches se poursuivaient, dans la neige et le froid, pour retrouver les milliers de disparus.
Les autorités devaient également faire face à l'impatience grandissante des 500 000 personnes sinistrées, confrontées à un manque d'eau potable et de vivres malgré la mobilisation sans précédent de 80 000 soldats, policiers et secouristes dans le nord-est dévasté.
Mais c'est la crise nucléaire, la plus grave dans le monde depuis Tchernobyl en 1986, qui inquiète surtout.
Pour la première fois, quatre hélicoptères de l'armée japonaise ont déversé jeudi matin plusieurs tonnes d'eau de mer sur les réacteurs les plus endommagés, principalement le 3.
L'objectif était notamment de remplir la piscine de combustible usagé qui a été endommagée par une explosion et des incendies.
L'opérateur Tokyo Electric Power (Tepco) a indiqué ne pas être en mesure de déterminer la quantité d'eau ayant rempli la piscine, faute de pouvoir l'observer de visu.
Des experts étrangers estiment également que la piscine du réacteur 4 est désormais quasiment asséchée, ce qui a pour effet de provoquer des niveaux «extrêmement élevés» de radiations, selon le président de l'Autorité américaine de régulation nucléaire (NRC), Gregory Jaczko.
La fusion de ce combustible pourrait entraîner des rejets de radioactivité de même ampleur que la catastrophe de Tchernobyl, estiment les experts.
Les ouvriers de Tepco, aidés de pompiers et de policiers, devaient également essayer d'atteindre le réservoir en recourant à des camions citerne équipés d'un canon à eau.
Tepco espérait aussi rétablir l'alimentation électrique de la centrale, ce qui «permettrait de remettre en route les pompes refroidissant les réacteurs et de remplir les piscines».
Les systèmes de refroidissement étaient tombés en panne vendredi à la suite du séisme de magnitude 9, le plus fort jamais enregistré au Japon, suivi d'un tsunami qui a dévasté les côtes du nord-est du pays.
L'Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a estimé mercredi que les prochaines 48 heures allaient être cruciales.
Le président américain Barack Obama a proposé à Tokyo d'envoyer davantage d'experts nucléaires au Japon. La France a également offert une «offre de coopération massive» avec la mise à disposition de pompes, d'engins robotisés et une aide à la radioprotection.
Devant la menace d'un accident nucléaire majeur, la plupart des ambassades ont recommandé à leurs ressortissants de s'éloigner de la zone pour se replier vers le sud, dans la région d'Osaka, ou bien de quitter le Japon.
La Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et l'Australie ont également conseillé à leurs ressortissants de quitter le nord et la région de Tokyo. La France, comme la Belgique et la Russie vont envoyer des avions supplémentaires afin d'évacuer les familles souhaitant quitter le pays.
Pour sa part, la Chine a demandé au Japon de fournir des informations «oppportunes et précises» afin de calmer une opinion publique inquiète de l'arrivée dans le pays d'éventuels rejets radioactifs.
L'ambassade des États-Unis a fixé la zone de risque à 80 km autour de la centrale.
Les autorités nippones n'ont pour l'instant établi un périmètre de sécurité que de 30 km et le gouvernement a affirmé mercredi que les radiations au-delà de la zone d'exclusion des 20 km «ne posent pas de danger immédiat pour la santé».
Par précaution, 10 000 personnes de la préfecture de Fukushima seront soumises à des tests de radioactivité dans 26 centres d'examen.
Alors qu'un vent de panique souffle de l'étranger, la population japonaise, notamment à Tokyo, reste étonnamment calme et disciplinée, dans l'attente de nouvelles instructions du gouvernement.
Les vents devraient rester favorables jeudi et repousser vers l'océan Pacifique les rejets radioactifs de la centrale.
En revanche, un froid intense et d'importantes chutes de neige ont encore dégradé les conditions de vie et de travail pour les 500 000 sinistrés du séisme et du tsunami et les 80 000 secouristes mobilisés dans le nord-est.
Des millions de Japonais sont privés d'eau, de chauffage et de nourriture en quantités suffisantes.
De plus, une coupure d'électricité à grande échelle pourrait affecter l'est du pays jeudi dans la soirée si la consommation n'était pas réduite, a averti le ministre de l'Industrie.
Le bilan officiel du séisme et du tsunami s'établissait jeudi à 5321 morts et 9329 disparus. Mais dans la seule ville d'Ishinomaki, le nombre de disparus s'élèverait à 10 000, selon un responsable local.
Le yen a atteint un nouveau record depuis la Seconde guerre mondiale face au dollar, des investisseurs spéculant sur l'éventuel rapatriement massif de fonds par les compagnies d'assurance japonaise.
De nombreuses manifestations de solidarité avec le Japon sont organisées à l'étranger, comme au Pérou, ancienne terre de forte immigration nippone, qui a décrété une journée de deuil national vendredi prochain.
OPPORTUNISME DE LADY GAGA...
La chanteuse américaine Lady Gaga, qui ne manque pas de profiter de l'occasion pour l'attention sur elle et mousser sa popularité, a annoncé avoir collecté 250.000 dollars en deux jours pour les victimes du séisme en vendant des bracelets en caoutchouc. (c'est moins cher que ce que lui couterait n'importe laquelle promo!)
ACCIDENT NUCLÉAIRE : LES RISQUES POUR L'ENVIRONNEMENT
Agence France-Presse
Sols, eau, végétaux, animaux... Si un accident nucléaire comme celui en cours à Fukushima libère des produits radioactifs dans l'atmosphère, c'est l'ensemble de l'environnement qui risque d'être contaminé.
Il est toutefois difficile d'évaluer le risque pour la centrale de Fukushima car la contamination serait vraisemblablement différente de celle provoquée par l'explosion du réacteur de Tchernobyl en 1986.
En Ukraine, la déflagration avait projeté des débris nucléaires à plus d'un kilomètre de haut et libéré un panache de particules et de gaz contaminés qui avait disséminé des éléments radioactifs sur la plupart des pays d'Europe.
Au Japon, les six réacteurs de la centrale sont à l'arrêt, et le risque d'explosion lié à un emballement de la réaction nucléaire semble écarté. Une contamination de l'environnement serait donc plus localisée, mais aussi plus forte.
«On s'attend à avoir des retombées plus importantes dans le voisinage immédiat de Fukushima que ce qu'on a eu dans le voisinage de Tchernobyl», explique à l'AFP Didier Champion, directeur de l'environnement à l'Institut de radioprotection et sûreté nucléaire (IRSN).
«L'inconvénient, c'est qu'on a un territoire qui est plus fortement contaminé à 10 ou 20 km, peut-être au-delà. L'avantage, par contre, ça veut dire moins de contamination à plus grande distance», ajoute-t-il.
LES PRINCIPALES SOURCES DE CONTAMINATION...
Un accident nucléaire peut libérer une grande variété d'éléments radioactifs, mais les deux principales sources de contamination sont l'iode-131 et le césium-137.
- L'iode-131
Ce produit de la fission nucléaire dans les réacteurs constitue le principal danger de contamination à court terme en cas de rejets dans l'atmosphère. Il se volatilise en vapeur violette à faible température, un peu au-dessus de 100 °C.
C'est un élément redouté car il est volatil et donc très mobile. Il se propage rapidement dans l'environnement: dispersion dans l'atmosphère, dépôt au sol ou sur les feuilles de végétaux, captation par les racines, ingestion par l'animal et éventuellement consommation par l'homme.
Ingéré par les mammifères en période de lactation, l'iode se retrouve très rapidement dans le lait (quelques heures après l'ingestion).
Il se concentre dans la glande thyroïde, raison pour laquelle il est prévu de distribuer des pastilles d'iode stable en cas de contamination pour saturer cette glande et empêcher l'iode radioactif de s'y fixer.
Contrepartie de sa grande radioactivité, l'iode-131 une vie très courte, la moitié de ses atomes se désintégrant naturellement en huit jours (période radioactive). Sa radioactivité est ainsi divisée par 2.000 tous les trimestres.
- Le césium-137
Cet élément, l'un des plus importants produits de la fission nucléaire, est la principale source de contamination de la chaîne alimentaire due aux essais nucléaires et à l'accident de Tchernobyl.
Contrairement à l'iode-131, il est peu mobile et s'enfonce lentement dans le sol, où il est fixé par les minéraux.
La contamination se fait d'abord par les feuilles, puis les racines. Les champignons et le gibier sont les plus contaminés par le césium. Il peut se concentrer dans la chaîne alimentaire, par exemple dans la chair des poissons.
Sa période radioactive est beaucoup plus longue que celle de l'iode-131 (30 ans) et il peut donc contaminer durablement l'environnement.
LES DANGERS POUR L'ENVIRONNEMENT ET LA POPULATION...
- L'alimentation humaine et animale
Selon Didier Champion, la priorité aux abords de la centrale est de surveiller «la contamination des denrées alimentaires» par dépôt des particules radioactives sur les feuilles, qu'il s'agisse des légumes consommés directement par la population, ou des végétaux consommés par le bétail. En raison de la rapide transmission de l'iode radioactive au lait, cette denrée fait également partie des «produits les plus sensibles dans l'immédiat». Mercredi, l'UE a recommandé le contrôle des aliments importés du Japon.
- Les zones bâties
Que les éléments radioactifs contenus dans l'atmosphère retombent naturellement ou qu'ils soient lessivés par la pluie, ils peuvent former des dépôts dans les zones urbaines (routes, maisons, etc). «Le problème principal c'est que ces dépôts deviennent à nouveau une source de rayonnement, qui peut conduire à des doses durables», explique M. Champion.
- L'eau
Hormis les citernes d'eau de pluie, la contamination de l'eau reste a priori un enjeu «secondaire», selon l'expert de l'IRSN.
L'océan Pacifique voisin de la centrale constitue un «réservoir» où les produits radioactifs devraient se diluer. Concernant les rivières et aux autres sources d'eau potable, l'eau s'y écoule en permanence et le dépôt radioactif est rapidement évacué.
Quant à la nappe phréatique, il faut plusieurs années pour que la contamination migre dans le sol. Le césium-137 migre très peu et l'iode se désintègre bien avant d'avoir pu l'atteindre.
Source : Cyberpresse
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