La durée du jour s'allonge de six minutes et demie chaque jour sur Vénus ! C'est ce qu'affirment Pierre Drossart et Stéphane Érard, de l'Observatoire de Paris, et leurs collègues, qui ont analysé la cartographie de la surface vénusienne réalisée par la sonde européenne "Venus Express"!
L'hémisphère sud de Vénus vu par la caméra en ultraviolet de la sonde Venus Express (image en fausses couleurs).
En comparant des cartes topographiques de Vénus établies par les sondes Magellan et Venus Express, des astronomes ont mis en évidence un décalage qui ne s'explique que par le ralentissement de la rotation de la planète.
Les cartes topographiques établies par les sondes Magellan (en haut) et Venus Express (en bas). En essayant de superposer ces cartes réalisées à 16 ans d'intervalle, les chercheurs ont mis en évidence un décalage pouvant atteindre 20 kilomètres. Ce décalage indique que la vitesse de rotation de Vénus a diminué.
En essayant de superposer ces cartes réalisées à 16 ans d'intervalle, les chercheurs ont mis en évidence un décalage pouvant atteindre 20 kilomètres. Ce décalage indique que la vitesse de rotation de Vénus a diminué.
Vénus est entourée d'une épaisse atmosphère dense et opaque, qui dissimule sa surface aux observations en lumière visible. C'est pourquoi la période de rotation solide de la planète (celle de sa surface, par opposition à celle de son atmosphère) est longtemps restée controversée. Il a fallu attendre 1962 pour que des observations radar depuis la Terre percent la couche nuageuse et révèlent que la jumelle de la Terre fait un tour sur elle-même en environ 243 jours terrestres. De façon surprenante, cette rotation s'effectue aussi en sens inverse à celui des autres planètes (rotation rétrograde).
Depuis lors, plusieurs missions spatiales ont visité Vénus. La sonde américaine Magellan, notamment, a scruté la surface avec son radar au milieu des années 1990. Elle a livré la première carte topographique précise de cette planète surchauffée, et précisé sa période de rotation.
Un autre moyen de percer la couche nuageuse est d'observer à travers les étroites fenêtres de longueurs d'onde dans le domaine infrarouge. C'est précisément ce que fait le spectromètre VIRTIS de la mission européenne Venus Express, en orbite autour de Vénus depuis 2006.
P. Drossart, S. Érard et leurs collègues ont comparé les cartes topographiques établies par Venus Express avec celles de la sonde Magellan, afin d'étudier d'éventuelles anomalies locales de température, ou des phénomènes de diffusion dans la basse atmosphère. Mais de façon surprenante, ils ont découvert un décalage entre ces cartes : certains reliefs ne sont pas à la même place ! Le décalage atteint 0,15 degré en longitude, soit près de 20 kilomètres à l'équateur.
Les diverses sources d'erreur ayant été écartées (méconnaissance de l'axe de rotation ou de la forme précise du géoïde vénusien, par exemple), les astronomes ont conclu que ce décalage provient d'une modification de la vitesse de rotation de la planète depuis les mesures de la mission Magellan, 16 ans plus tôt. Le calcul indique que la durée du jour sidéral vénusien s'est allongée de près de 6,5 minutes par jour vénusien (243,023 jours terrestres en moyenne sur la période), soit une variation relative de 2 x 10–5.
Ce décalage est 50 fois plus grand que l'imprécision de la mesure de la période de rotation par Magellan. Il ne peut donc être imputé aux erreurs de mesure. Par ailleurs, les observations de Venus Express sont en accord avec des observations radar récentes menées depuis la Terre.
Quelle est l'origine d'un tel ralentissement ? Selon S. Érard et ses collègues, l'explication la plus probable est l'interaction surface-atmosphère. L'atmosphère est si dense – la pression dépasse 90 bars au sol – que les frottements qu'elle exerce sur la surface modifient la rotation solide. On s'attendrait à ce que la rotation de l'atmosphère amplifie celle la surface, puisque les deux tournent dans le même sens ; mais en réalité, la partie supérieure de l'atmosphère tourne si vite (en quatre jours environ, alimentée par les échanges thermiques) que la basse atmosphère, à l'interface avec le sol, est agitée d'une turbulence qui multiplie les frottements, au point de freiner la planète. Ce ralentissement serait variable dans le temps, et non continu. Un phénomène similaire existe sur Terre, à l'interface des océans et du plancher océanique, mais il ne se traduit que par des variations ponctuelles de l'ordre de la milliseconde. Une autre explication du ralentissement de la rotation de Vénus, moins plausible, met en jeu l'échange de moment cinétique avec la Terre aux moments où les deux planètes sont proches.
La mesure de la vitesse de rotation nous renseigne indirectement sur les propriétés du noyau de Vénus : plus ce dernier est concentré, dense ou solide, moins la planète devrait être sensible aux forces de freinage. Par ailleurs, une connaissance précise de la période de rotation sera indispensable pour les futures missions spatiales qui se poseront sur la jumelle brûlante de la Terre.
source : www.pourlascience.fr
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