REPÈRES
Les organismes génétiquement modifiés, ou OGM, inondent le marché, souvent à l'insu des consommateurs, alors que leurs effets à long terme demeurent inconnus.
Ces trois petites lettres sont porteuses de grands espoirs pour les uns, mais constituent une source d'inquiétude pour les autres.
Les multinationales, appuyées par les pays exportateurs de ces produits, promettent une agriculture sans produits chimiques et laissent miroiter un monde sans famine. Quant à leurs détracteurs, qui parlent d'« aliments Frankenstein », ils accusent les scientifiques qui se prêtent au jeu transgénique de jouer aux dieux ou de mettre la planète en péril.
Devant l'incertitude liée aux effets de cette nouvelle révolution génétique sur la santé et l'environnement, entre les partisans convaincus et les opposants farouches, se trouvent ceux pour qui la prudence reste de mise. Si en Europe le débat fait rage depuis quelques années déjà, en Amérique du Nord, il ne fait que commencer.
La question divise la communauté scientifique, mais elle constitue également un important enjeu économique et commercial. Les profits envisagés sont à la mesure de l'appétit gourmand des multinationales comme Monsanto ou DuPont. Ces dernières n'avaient portant pas prévu le tollé provoqué en Europe et la diminution des exportations qui en découlerait. Voilà donc la guerre commerciale et scientifique amorcée, et la table mise pour la controverse.
ABC des OGM
Organisme génétiquement modifié (OGM) : individu, soit une plante ou un animal, dans lequel l'homme a transféré un ou plusieurs gènes étrangers (provenant d'une autre espèce, d'une bactérie ou d'un virus) pour lui attribuer une caractéristique dont la nature ne l'avait pas doté; pour le moment, on ne transfère qu'un seul gène à la fois.
Acide désoxyribonucléique (ADN) : acide porteur de l'information génétique.
Biodiversité : diversité des espèces vivantes sur la planète.
Gène BT : gène insecticide extrait d'une bactérie nommée Bacillus thuringiensis (BT) qui protège la plante (par exemple, le coton ou le maïs) de la pyrale, un papillon dont la chenille nuit aux cultures.
Génome : ensemble des chromosomes qui caractérisent chaque espèce.
Groupe de Miami : les six pays qui s'opposent à toute réglementation du commerce des OGM : États-Unis, Canada, Argentine, Australie, Chili et Uruguay.
Maïs BT : maïs de la compagnie Novartis qui contient trois gènes étrangers : le gène BT, un gène de résistance à un herbicide et un gène de résistance à un antibiotique apparenté à la pénicilline.
Marqueur : gène qui permet de vérifier la présence du gène introduit dans la plante qu'on tente de modifier; le marqueur est souvent un gène de résistance à un antibiotique, comme dans le cas du maïs BT.
Pollution génétique : dissémination des caractéristiques d'une plante génétiquement modifiée à un autre individu par le pollen, l'eau ou les insectes.
Principe de précaution : principe en vertu duquel les pays auront le droit d'interdire l'importation d'OGM s'ils ont des doutes sur l'innocuité de ces produits sur la santé humaine ou sur leurs impacts sur l'environnement, même en l'absence de preuve scientifique irréfutable.
Promoteur : substance qui ordonne au nouveau gène d'entrer en fonction.
Protéine : substance chimique fabriquée par le gène; elle est à l'origine des allergies, qui peuvent être mortelles.
Protocole sur la biosécurité : entente conclue à Montréal en janvier 2000 entre les 139 pays réunis au sommet (les discussions avaient débuté en 1996).
Sommet de la Terre : sommet tenu à Rio, au Brésil, en juin 1992, et au terme duquel 126 pays se sont entendus pour sauvegarder la biodiversité de la planète; l'entente n'a toujours pas été ratifiée par les États-Unis.
Terminator : gène qui permet de « programmer » la stérilisation d'une semence au terme de la première récolte; technologie achetée par la compagnie Monsanto, qui a choisi de ne pas l'utiliser devant la protestation des agriculteurs.
Traçabilité : possibilité de repérer la présence d'un produit, dans ce cas-ci d'un OGM, tout au long des étapes de transformation agroalimentaire, depuis le produit brut, comme le soja, jusqu'aux stades les plus poussés de la production, c'est-à-dire les additifs alimentaires comme l'amidon de maïs et la lécithine de soja, présents dans 60 % des produits vendus à l'épicerie.
Transgénèse : nom du processus par lequel on crée les OGM.
DES PRODUITS AUX GRANDES VERTUES?
Actuellement, l'agroalimentaire constitue le principal secteur recourant aux OGM. Aux yeux des multinationales qui les fabriquent, les avantages de cette nouvelle technologie sont nombreux. La compagnie américaine Monsanto utilise même le slogan « Nourriture — Santé — Espoir » pour vanter les qualités de ses aliments génétiquement modifiés. Cette révolution génétique permetde rendre une plante résistante à un herbicide ou à un pesticide, au froid, à la sécheresse ou encore à diverses maladies. La résistance aux herbicides de certaines plantes favoriserait une croissance optimale, puisque les herbicides élimineraient les mauvaises herbes tout en laissant à l'espèce résistante plus d'espace pour se développer.
Certaines plantes peuvent même produire leur propre herbicide ou pesticide. Les chercheurs ont ainsi réussi à introduire dans une espèce de pomme de terre le gène d'une bactérie qui se trouve dans le sol afin que ses feuilles produisent un poison qui tue en quelques heures les doryphores, communément appelées "bibittes à patates".
Autre exemple, celui du maïs BTde la compagnie Novartis, qui résiste à la chenille de la pyrale, principale ennemie du maïs. Un des arguments-clés des partisans des OGM réside d'ailleurs dans la réduction des herbicides et des pesticides, ce qui serait bénéfique pour l'environnement. On parle ici de la première génération d'OGM, qui profite aux agriculteurs (réduction des coûts de production et augmentation du rendement) et, évidemment, aux multinationales qui les produisent.
Aux dires de celles-ci, la création de plantes transgéniques permettra de soulager la famine dans les pays pauvres, puisqu'elle accroîtra la productivité. Le consommateur occidental y trouvera lui aussi son compte, par exemple, avec des tomates qui mûrissent plus tard après la cueillette et qui se conservent donc plus longtemps. À ceux qui soulignent l'existence d'incertitudes, les multinationales rétorquent que quinze ans se sont écoulés entre les premiers tests des OGM et la mise en marché des premières espèces commerciales. Pour elles, les OGM sont donc absolument sécuritaires...
DES « BOMBES BIOLOGIQUES »?
Les écologistes redoutent notamment le phénomène de pollution génétique : le gène résistant aux herbicides qui appartient à la plante modifiée pourrait être transmis, par le vent, l'eau ou les insectes, à d'autres plantes, qui deviendraient à leur tour génétiquement modifiées. Dans le cas où le gène se transmettrait à un végétal utile, par exemple, d'un maïs transgénique à un maïs « normal », les écologistes craignent une uniformisation des aliments, ce qui serait une menace à la biodiversité.
Ils soulèvent aussi le risque de rendre indestructibles des plantes indésirables ou de rendre nuisibles des plantes qui étaient au départ utiles dans leur écosystème. Le problème est illustré par des études, menées notamment au Danemark, sur le colza génétiquement modifié, dont le gène de résistance à un herbicide a été propagé à des mauvaises herbes par des abeilles sur plusieurs kilomètres. Les écologistes craignent également que les gènes résistant aux herbicides polluent l'eau et le sol.
Quant à la diminution de l'utilisation des herbicides et des pesticides, les opposants aux OGM n'y croient pas. Ils craignent au contraire une utilisation accrue de ces produits. D'habitude, dans le cas d'un herbicide total, c'est-à-dire qui tue toutes les plantes, comme le Roundup de Monsanto (qui a également créé des plantes résistantes au pesticide qu'elle fabrique), ce genre d'herbicide n'est utilisé que lorsque la plante est sortie de terre. Mais avec une plante résistante, la tentation d'utiliser l'herbicide à n'importe quel stade de la production peut être plus forte, une tendance qui sera encore plus accentuée si on se retrouve avec des mauvaises herbes rendues elles aussi insensibles. Si cela ne s'est pas encore produit, le Département de l'Agriculture des États-Unis a tout de même conclu à une diminution négligeable de la quantité de pesticides utilisée dans les champs de maïs et de soja génétiquement modifiés, mais il existe de tels écarts d'une région à l'autre du pays qu'il est difficile de tirer des conclusions.
La résistance des plantes à certains insectes constitue une autre source d'inquiétude : les uns croient que ces insectes pourraient disparaître, ce qui menacerait la biodiversité de la planète. Les autres craignent plutôt que certaines espèces d'insectes deviennent insensibles à la toxine produite par les plantes. En outre, il est possible que des insectes qui ne sont pas nuisibles ou même qui sont utiles soient eux aussi détruits. Les environnementalistes citent l'exemple de la chenille du papillon monarque, qui est morte après avoir été nourrie avec du maïs génétiquement modifié lors d'une étude en laboratoire menée à l'université Cornell, aux États-Unis.
Les écologistes soulignent également les risques pour la santé humaine, puisqu'on ignore l'effet qu'auront ces végétaux « mutants » sur la chaîne alimentaire. Ils soulèvent aussi le risque d'allergie que poserait, tant pour les animaux que pour les humains, une plante qui contiendrait un gène d'un aliment allergène, comme le blé ou l'arachide. Une expérience a démontré qu'un soja dans lequel on avait introduit un gène de noix de Grenoble provoquait des réactions chez une personne allergique à ce type de noix. Le produit n'a donc pas été commercialisé.
D'autre part, l'introduction dans les OGM d'un gène de résistance aux antibiotiques pourrait rendre les individus insensibles à ces médicaments. C'est d'ailleurs cette crainte qui fait du maïs BT l'un des OGM les plus contestés. On y introduit un gène marqueur, qui résiste à un antibiotique de la même famille que la pénicilline, pour vérifier le succès de la transgénèse. Or, certains posent l'hypothèse d'une diffusion possible de ce gène aux animaux, puis aux humains. La situation est d'autant plus préoccupante que l'efficacité des antibiotiques a diminué au cours des dernières années.
QUELS SONT LES ALIMENTS LES PLUS SUSCEPTIBLES D’ÊTRE MODIFIÉS GÉNÉTIQUEMENT?
Une gamme croissante de produits — fruits, légumes et céréales — qui se retrouvent dans nos paniers d'épicerie sont des OGM. Les plus fréquemment modifiés génétiquement sont la tomate, le canola, le soja, le maïs ainsi que la pomme de terre.
Par conséquent, tous les aliments renfermant ces ingrédients sont susceptibles d'être faits à partir d'OGM. Il faut donc songer aux sauces tomate, jus de tomate, ketchups, soupes minestrone, crèmes de tomate, pizzas, tofu, lait de soja, maïs en grain, céréales de maïs, frites, etc. Sans compter qu'un très grand nombre d'aliments contiennent des additifs alimentaires provenant du maïs et du soja, tels que la lécithine de soja, l'amidon de maïs, ainsi que des protéines : aliments en conserve, soupes, sauces, crème glacée, chocolat, huile de canola, nourriture pour bébés, margarines, bonbons, huiles, son, sirop de glucose, dextrines, semoules, etc...
On estime que 60 % des produits vendus en épicerie contiennent des OGM. Difficile, donc, d'y échapper, d'autant plus qu'au Canada, aucune réglementation n'oblige les compagnies à indiquer la présence d'OGM sur les étiquettes. Mais certains organismes comme Biotech Action Montréal se chargent d'informer le public sur les marquessusceptibles de contenir des produits alimentaires transgéniques.
PETITE CHRONOLOGIE
1973 : premières manipulations transgéniques : des chercheurs américains parviennent à greffer des gènes étrangers dans une bactérie.
1983 : la première plante génétiquement modifiée voit le jour.
1986 : premier essai de culture d'une plante transgénique en champ, en Belgique.
1992 : autorisation de commercialisation d'OGM aux États-Unis et en Europe.
1994 : la Food and Drug Administration des États-Unis accorde son autorisation de mise en marché à la tomate Flavr Savr, première plante transgénique, fruit de la firme américaine Calgene (qui appartient maintenant à Monsanto); cette tomate n'est cependant pas un véritable OGM, puisqu'elle n'a pas de gène étranger : les chercheurs se sont contentés d'empêcher l'expression d'un de ses gènes.
1995 : les cultures transgéniques sont autorisées au Canada.
1996 : le soya de la compagnie Monsanto, premier OGM constitué d'un gène de résistance à un herbicide, arrive en Europe.
1996 : le maïs BT de la compagnie Novartis est commercialisé.
1996 : début des pourparlers sur le protocole sur la biosécurité sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies.
Février 1999 : échec des négociations sur la biosécurité lors du Sommet de Carthagène, en Colombie.
1999 : publication d'une étude du Rowett Research Institute, en Écosse, qui conclut aux effets nocifs des OGM sur des rats; l'étude provoque la panique au Royaume-Uni, puis en Europe.
Été 1999 : le Parlement européen opte pour l'étiquetage obligatoire des OGM et adopte un moratoire sur les semences d'OGM et sur toute nouvelle autorisation d'organismes génétiquement modifiés.
Octobre 1999 : la revue scientifique The Lancet publie la recherche contestée du Dr Arpad Pusztai, même si son comité de sélection juge la méthodologie peu fiable.
Janvier 2000 : adoption, à Montréal, du protocole sur la biosécurité par 139 pays.
Avril 2000 : l'étiquetage obligatoire entre en vigueur en Europe pour tous les produits composés d'OGM dans une proportion supérieure à 1 %.
Royaume-Uni : SEMEUR DE TROUBLES
L'étude du biochimiste Arpad Pusztai, du Rowett Research Institute, est la première à démontrer les effets toxiques d'OGM. Au cours de son expérience, six rats ont consommé des pommes de terre génétiquement modifiées pour produire une protéine qui augmente la résistance aux insectes et aux vers, six autres rats se sont fait injecter la protéine en question, et six autres ont mangé des pommes de terre ordinaires.
Ayant observé chez les rongeurs qui ont consommé des pommes de terre transgéniques une baisse des défenses immunitaires et diverses anomalies des organes, le scientifique s'interroge sur l'impact possible d'une telle consommation chez l'humain.
En février 1999, ses résultats font la manchette du quotidien britannique The Guardian, et alarment la population. Bien vite, le laboratoire congédie celui par qui le scandale est arrivé. Peu après, les médias apprennent que l'institut a reçu une subvention de Monsanto.
Les scientifiques échouent à rassurer l'opinion publique. Il faut dire que l'affaire de la vache folle, au Royaume-Uni, mais également celles du poulet contaminé à la dioxyne en Belgique, du sang contaminé en France et de l'hormone de croissance bovine, ont éclaboussé leur crédibilité, puisque, là aussi, ils avaient affirmé l'absence de danger.
Quelques mois plus tard, la revue scientifiqueThe Lancet publie la recherche controversée, même si son comité de sélection condamne ses failles méthodologiques. On reproche notamment au chercheur d'avoir utilisé une autre sorte de pomme de terre que celle mentionnée dans l'étude. Récemment, le Dr Pusztai a lui-même admis avoir extrapolé les résultats.
Mais le mal est fait, et dès mars 1999, le gouvernement britannique rend obligatoire l'étiquetage des produits contenant des OGM : tout commerce (épicerie, restaurant, café, etc.) qui vend des produits faits à partir d'OGM sans l'indiquer au consommateur est passible d'amendes pouvant atteindre 8000 $. Rapidement, il interdit également la culture des OGM au pays pour une période de trois ans. Le tollé envers les produits génétiquement modifiés s'étend aux autres pays d'Europe.
En mai, pour éviter le boycottage des consommateurs, diverses chaînes européennes de supermarchés et trois multinationales annoncent leur intention de vendre des produits sans OGM. Certains fabricants, comme Nestlé et Danone, s'engagent même à ne pas utiliser d'OGM. Le mouvement d'opposition s'étend peu à peu à l'Australie, à la Corée, au Japon, au Mexique et à la Nouvelle-Zélande.
Certaines compagnies américaines se laissent elles aussi gagner par la vague anti-OGM. Gerber (aliments pour nourrissons), Heinz (aliments pour nourrissons, ketchup, etc.) et Iams (nourriture pour animaux), entre autres, décident de ne pas utiliser de produits génétiquement modifiés.
En avril 2000, la politique d'étiquetage obligatoire pour les produits composés d'au moins 1 % d' OGM entre en vigueur dans les pays de l'Union européenne. Mais les puristes, défenseurs d'une « tolérance zéro », réclament un étiquetage pour tous les produits génétiquement modifiés.
Cette mesure est pourtant nettement plus sévère que ce qui se fait outre-Atlantique, où aucun étiquetage n'est obligatoire. Il faut dire que l'opposition des écologistes européens est plus structurée et beaucoup plus agressive qu'ici. Là-bas, les cultures transgéniques sont littéralement devenues leur champ de bataille, puisque les opposants aux OGM ne se gênent pas pour faucher ce type de culture.
PAYS EXPORTATEURS
La culture des produits transgéniques est en plein essor depuis cinq ou six ans, à un point tel que cette industrie récolte déjà plusieurs milliards de dollars. Les États-Unis comptent près de 80 % des 28 millions d'hectares où sont cultivés des OGM. Le soja transgénique américain représente plus de la moitié du soja produit aux États-Unis; le coton transgénique occupe la moitié des champs de coton, et plus du tiers des champs de maïs a subi des modifications génétiques. Les États-Unis font partie du Groupe de Miami, qui s'oppose à toute réglementation du commerce des OGM, avec l'Argentine, l'Australie, le Chili, l'Uruguay et le Canada.
Ce dernier occupe pour sa part le troisième rang des producteurs de produits génétiquement modifiés, derrière l'Argentine. Depuis 1995, une quarantaine d'OGM ont été répertoriés au pays.
Les cultures transgéniques occupent 2,8 millions d'hectares, soit le dixième de la production mondiale. Selon l'Association canadienne des semences, plus de 65 % des plants de canola, plus du tiers des plants de maïs, le quart des plants de soja et le quart des pommes de terre cultivés au pays sont des OGM (chiffres datant d'août 1999). Au Québec, selon des chiffres de l'Union des producteurs agricoles(UPA) datant de 1998, 2 % des pommes de terre et 10 % des plants de maïs sont génétiquement modifiés, tandis que la proportion des plants de canola trangéniques se situe entre 35 % et 50 %.
MULTINATIONALES PRODUCTRICES
Le débat sur les OGM n'est pas que scientifique; il est aussi économique, et les enjeux financiers sont de taille. Si les multinationales productrices d'OGM promettent aux agriculteurs qui se « convertissent » à l'agriculture transgénique des économies substantielles, reposant sur une productivité accrue ainsi que sur des économies en insecticides et en pesticides, elles espèrent pour leur part réaliser des profits colossaux à la mesure de leurs investissements. À titre d'exemple, on estime à 1 milliard de dollars le budget consacré par Monsanto à la recherche.
Certains détracteurs voient d'ailleurs dans cette industrie une structure impérialiste, dominée fortement par les États-Unis, qui viserait à contrôler l'agriculture à la grandeur de la planète. Actuellement, un petit groupe de multinationales contrôlent la quasi-totalité du marché mondial. Elles produisent la totalité des plantes transgéniques et le quart des semences transgéniques. Fait intéressant, elles contrôlent également près de 70 % du marché des pesticides.
· Monsanto (États-Unis)
· DuPont (États-Unis)
· Dow AgroSciences (filiale de Dow Chemical, États-Unis)
· Novartis (Suisse)
· Zeneca (Royaume-Uni)
· Aventis (France-Allemagne)
La firme américaine Monsanto, chef de file dans son domaine, produit par exemple Round Up, un herbicide dit total parce qu'il tue toutes les plantes. Elle a également créé le soja Roundup Ready, le coton Roundup Ready et le canola Roundup Ready, rendus insensibles à ce produit grâce aux manipulations génétiques. Un agriculteur qui achète la plante transgénique se voit obligé d'acheter l'herbicide.
Par ailleurs, les semences modifiées génétiquement sont protégées par des brevets. Les fermiers doivent donc s'engager par écrit à ne pas récupérer les graines au terme de leur récolte, ce qui les oblige à s'approvisionner chaque année.
Les multinationales dépensent beaucoup d'énergie pour s'assurer que cette mesure est respectée, entre autres en visitant les champs de leurs clients.
Dans cette optique, Monsanto a acheté la technologie à l'origine du gène Terminator, capable de stériliser une semence au terme de la première récolte. La multinationale a reculé, en raison du tollé suscité chez les agriculteurs. Cette technologie aurait eu un impact principalement auprès des agriculteurs des pays en développement, qui récupèrent souvent les graines, faute d'argent pour en acheter de nouvelles. La compagnie travaille maintenant à créer des semences transgéniques qui cesseront après la première récolte de présenter la caractéristique qui les distingue d'une semence ordinaire.
SOMMET DE MONTRÉAL
Au départ, les positions du Groupe de Miami et celles de la majorité des pays semblent irréconciliables. L'Union européenne et les pays en développement veulent obtenir une entente qui régirait de façon stricte les produits génétiquement modifiés, tandis que les pays du Groupe de Miami souhaitent plutôt des contraintes minimales pour ne pas nuire à leurs exportations.
Pendant que les représentants des 139 pays discutent de biosécurité, les opposants manifestent dans diverses villes canadiennes. Au terme de cette rencontre de trois jours, les délégués finissent par adopter le protocole sur la biosécurité, qui réglemente le commerce des OGM. Ce sommet fait suite à celui tenu en février 1999 à Carthagène, en Colombie, qui s'était soldé par un échec parce que les pays exportateurs d'OGM refusaient l'étiquetage de ces produits. Les discussions sur la biosécurité avaient débuté en 1996 sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies. Si les discussions ont nettement progressé, il reste néanmoins aux États à ratifier l'accord.
Principe de Précaution
En vertu de ce principe, les pays pourront refuser d'importer des OGM en cas de doute sur leur innocuité pour la santé et l'environnement, même en l'absence de preuves scientifiques. L'accord vise autant les OGM qui sont implantés directement dans un écosystème (semences, arbres et poissons d'élevage, par exemple) que les matières premières. Mais les pays qui interdisent les OGM sur leur territoire devront justifier leur décision auprès d'un bureau central. Les exportateurs exigeaient plutôt des preuves scientifiques solides, et non seulement un doute. Les pays en développement ont en outre réussi à faire inclure dans l'accord qu'un pays importateur puisse invoquer des impacts socioéconomiques pour refuser l'importation d'un produit.
Étiquetage
Les pays exportateurs voulaient que l'étiquetage ne touche que les semences, sous prétexte qu'il est impossible d'étiqueter les produits de base parce qu'ils sont mélangés à ceux qui ne sont pas transgéniques au cours du transport. Les autres désiraient pour leur part donner à l'entente une portée beaucoup plus large, touchant non seulement les semences, mais également ce qui constitue l'essentiel des exportations, comme les matières premières, les produits destinés à la consommation animale ou humaine, ainsi que les produits industriels.
Les semences devront être identifiées. Mais les Canadiens et les Américains ont réussi à faire reporter de deux ans la décision sur les matières premières, jusqu'à ce qu'on adopte une procédure sur leur transport, leur emballage et leur étiquetage. En attendant, ces produits alimentaires devront porter la mention « pourrait contenir des OGM ». Sur son territoire, chaque pays fera ce qu'il veut quant à l'utilisation des OGM et des produits dérivés, comme l'étiquetage obligatoire des produits.
Le rôle de l'Organisation mondiale du commerce
Lors du Sommet de l'Organisation mondiale du commerce tenu à Seattle, aux États-Unis, en décembre 1999, l'Union européenne a démontré qu'elle n'entendait pas lui soumettre le dossier des OGM. Les pays exportateurs désiraient pour leur part accorder la primauté à l'organisation. Or, le préambule du protocole sur la biosécurité le met à égalité avec les règles de l'OMC. Il n'est donc pas déterminé si l'organisation sera en mesure de juger une mésentente entre un pays qui refuserait d'importer des OGM et un pays exportateur.
QUI ENTÉRINE LES OGM AU CANADA?
Au pays, quatre agences suivent de près le dossier des OGM : Agriculture et agroalimentaire Canada, Environnement Canada, l'Agence canadienne d'inspection des aliments et Santé Canada, dont le rôle est prépondérant. Ces organismes ne réalisent pas d'études scientifiques indépendantes sur les effets des OGM.
Ils s'en remettent plutôt aux recherches réalisées par les compagnies productrices, qui doivent démontrer que leurs OGM sont aussi nourrissants que les produits traditionnels et qu'ils ne sont pas toxiques.Pour certains, qui accusent le gouvernement de veiller aux intérêts des grandes entreprises avant ceux des consommateurs, cela équivaut cependant à confier au renard la garde du poulailler...
Alors que les demandes de commercialisation augmentent, les hauts fonctionnaires de Santé Canada admettent ne pas avoir les fonds et les effectifs nécessaires pour évaluer adéquatement les OGM. Des centaines de plantes trangéniques attendent d'être testées en champ. Une fois sur le marché, les OGM sont soumis à la Loi sur les aliments et drogues, qui ne prévoit l'étiquetage obligatoire que lorsque le produit présente un danger, comme dans le cas des allergies. En l'absence de ce risque, la mesure est volontaire, contrairement aux pays de l'Union européenne.
En juin dernier, le Bloc québécois a pour sa part réclamé l'étiquetage obligatoire des OGM. Il a d'ailleurs été le premier parti à exprimer sa positionet à exiger des actions concrètes du gouvernement fédéral. En février, à la demande de trois ministres fédéraux, un comité scientifique a été formé pour étudier les effets potentiels des aliments transgéniques sur la santé humaine et sur l'environnement. Le groupe d'experts tentera également d'évaluer la pertinence de mettre sur pied de nouvelles politiques sur les OGM.
Ottawa annonce par ailleurs en mars que le comité parlementaire de l'agriculture se penchera sur les OGM à partir de la mi-mai.
D'ici l'établissement de nouvelles règles gouvernementales, les compagnies canadiennes sont libres de tracer elles-mêmes leur ligne de conduite. La filiale deMcCain au pays a pour sa part décidé que les pommes de terre génétiquement modifiées n'entreraient plus dans la composition de ses produits.
DES ANIMAUX GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS ?
En 1997, Dolly, première brebis clonée, a bien involontairement lancé le débat sur la génétique et les animaux. Mais la célèbre brebis n'était pas un OGM, puisqu'elle était clonée à partir d'une cellule de brebis adulte. La firme derrière cette expérience scientifique, PPL Therapeutics, et d'autres entreprises effectuent toutefois des recherches pour transformer certains animaux en « usines de médicaments », ce que les Anglo-Saxons surnomment le « pharming ». Ainsi, des études sont menées pour rendre des brebis capables de produire un lait contenant un facteur sanguin humain. PPL a, entre autres, mis au monde Polly, une brebis transgénique dont le lait contient un médicament contre l'anémie.
D'autres études sont également en cours pour créer des animaux dont les organes seront compatibles avec les humains. Dans cette optique, les animaux deviendront des banques d'organes. Récemment, en février, une équipe de scientifiques a annoncé qu'elle avait réussi à modifier génétiquement des organes du porc, comme le cœur et le foie, pour les rendre moins sensibles au rejet par l'humain.
Mais les animaux transgéniques risquent également de se frayer un chemin jusqu'à notre assiette. Par exemple, au Canada, aux États-Unis, à Cuba, en Nouvelle-Zélande, en Israël, au Royaume-Uni, en Chine et en Thaïlande, des chercheurs ont introduit un gène de croissance animal ou humain dans des poissons comme le saumon, la truite et la carpe. Une initiative mal perçue par les écologistes, qui qualifient ces poissons de « Frankenfish », principalement en raison des malformations apparues sur les premières espèces de poissons transgéniques.
Au Canada, des poissons transgéniques ont vu le jour à Vancouver, en Colombie-Britannique, et à Saint-Jean, à Terre-Neuve. Grâce aux modifications génétiques, les saumons grandissent plus vite en mangeant moins, ce qui laisse miroiter des profits appréciables. Les chercheurs de Vancouver ont modifié la structure d'un gène de saumon pour le réintroduire dans un saumon Coho transgénique, qui arrive à sa taille adulte en deux ans plutôt qu'en quatre ou cinq ans. Pour l'instant, toutefois, ces poissons éprouvent des difficultés à nager et manifestent de l'agressivité quand ils se nourrissent.
À Terre-Neuve, la société canado-américaineA/F Protein prévoit commercialiser un saumon de l'Atlantique transgénique pour 2001 ou 2002 : on a ajouté un gène de croissance emprunté à la plie rouge, un poisson d'eau froide. Le saumon ainsi créé grandit plus vite et dans des eaux plus froides. Mais ces poissons transgéniques sont stérilisés pour ne pas qu'ils puissent se reproduire.
Les écologistes craignent que, s'ils s'échappent des enclos d'élevage, ils ne transmettent leurs nouvelles caractéristiques à l'espèce sauvage dont ils sont issus. Les femelles pourraient les préférer aux poissons « normaux » parce qu'ils sont plus gros. Ils pourraient en outre manger des proies qui ne sont pas menacées habituellement.
PERSPECTIVE D’AVENIR
Des chercheurs de partout dans le monde étudient maintenant d'autres applications, dont bénéficieraient les consommateurs. Les scientifiques sont en outre parvenus, en laboratoire, à augmenter la teneur en diverses vitamines de fruits et de légumes et à y introduire des matières vaccinantes. D'autres recherches sont menées pour doter les aliments de propriétés médicales, par exemple pour rendre un vaccin contre l'hépatite B cultivable dans une pomme de terre transgénique. On parle même de tomates carrées pour faciliter l'entreposage! Des études sont également en cours pour améliorer la saveur ou augmenter la qualité nutritive de certains fruits et légumes.
Par exemple, en Suisse, des scientifiques ont annoncé au début de 2000 qu'ils avaient réussi à créer un riz transgénique à plus haute teneur en vitamine A, en y introduisant des gènes de bactérie et de jonquille. Comme le riz est la céréale la plus consommée dans les pays en développement, une telle percée laisse entrevoir la possibilité de pallier une carence alimentaire qui fait des millions de victimes chaque année.
Les chercheurs s'intéressent également à l'utilisation des OGM dans la production industrielle, une avenue qui laisse miroiter d'importantes retombées économiques. L'injection de gènes d'autres espèces pourrait notamment améliorer la qualité de certains produits, comme le papier ou les cosmétiques. À titre d'exemple, on a introduit un gène de lapin dans du coton pour le rendre plus doux.
ESPOIRS OU INQUIÉTUDES?
L'encre n'a certainement pas fini de couler à propos des OGM, arrivés discrètement mais rapidement sur le marché sans qu'il n'y ait eu d'études sur leurs effets à long terme. Si rien ne prouve qu'ils constituent un réel danger, rien ne prouve non plus leur innocuité. Dans les années à venir, les études se multiplieront; les unes concluront sans doute à leurs bienfaits tandis que les autres mettront au jour leurs méfaits. En attendant les certitudes, certains n'hésitent pas à voir les consommateurs comme des cobayes. Si les chercheurs nous promettent dans un avenir rapproché des aliments à saveur améliorée, à qualité nutritive supérieure et moins chers, pour le moment, ce sont les industriels et les agriculteurs qui y trouvent leur compte.
La vague de protestation qui déferle sur l'Europe a cependant fait chuter les exportations d'OGM. Certains agriculteurs « traditionnels », qui craignent une contamination de leurs produits par les cultures transgéniques et le boycottage qui risque de s'ensuivre, songent déjà à intenter des poursuites contre les fermiers qui cultivent des OGM.
Peut-on envisager demain trois types de végétaux : les produits « classiques » nourris aux produits chimiques, les organismes génétiquement modifiés et les aliments biologiques? Quel destin réserverons-nous aux OGM? Et, surtout, qui décidera de leur sort : les gouvernements, les géants de l'industrie ou les consommateurs?
La société qui approvisionne la cantine de la filiale britannique de la multinationale Monsanto a annoncé en décembre 1999 qu'elle bannissait les OGM de ses plats, dans la mesure du possible. Plutôt ironique, vu que Monsanto s'est fait le champion des aliments transgéniques...
Au Royaume-Uni, l'opinion publique a même eu raison de la tomate génétiquement modifiée de la compagnie Zeneca, qui s'était pourtant approprié une importante part de marché dans les trois années précédant le déclenchement de toute cette polémique. L'étiquette affichait fièrement les lettres OGM.
Agriculteur biologique convaincu, le prince Charles lui-même s'en mêle et critique les multinationales qui produisent des végétaux transgéniques.
Il y a dix ans, la compagnie japonaise Showa Denko avait mis sur le marché sa version du L-tryptophane, un acide aminé en vente libre destiné à combattre l'insomnie, les douleurs prémenstruelles et la fièvre des foins. En un an, 35 consommateurs sont morts, et 1500 sont restés lourdement handicapés. La compagnie était la seule à fabriquer ce supplément alimentaire à partir d'un gène de bactérie modifié. La preuve n'a pas été faite que c'est l'OGM en question qui a eu un impact sur la santé des gens, mais aucune des autres entreprises fabriquant du L-tryptophane n'a recensé de problèmes.
Une étude contestée : l'expérience qui a alimenté les arguments des écologistes présentait pourtant d'importantes lacunes. Le comité d'experts de la revue scientifique The Lancet reprochait notamment aux auteurs de l'étude d'avoir utilisé un type de pomme de terre différent de celui cité dans la recherche, et de ne pas avoir soumis leurs conclusions à d'autres scientifiques.
Une étude sur une variété de colza modifié menée au Royaume-Uni et en Autriche par des chercheurs pour le compte des Amis de la Terre a conclu que ces plantes pouvaient transmettre leurs gènes à des espèces sauvages voisines. Sur six échantillons de cultures où le pollen avait été transporté par le vent sur une distance d'environ 450 km, deux révélaient la présence du gène introduit. Dans le cas de l'étude menée sur la dissémination par les abeilles, sur une distance de 4,5 km, les six échantillons prélevés révélaient la présence du gène.
Deux saumons Coho de deux ans : celui ayant subi des modifications génétiques arrive à sa taille adulte en deux ans
plutôt qu'en quatre ou cinq ans.
Certains chercheurs doutent que les résultats de l'étude menée en laboratoire, qui a conclu aux effets toxiques du maïs BT sur la chenille du papillon monarque, soient transposables dans des conditions naturelles. Mais ces conclusions préoccupent d'autres scientifiques.
Les multinationales soutiennent qu'elles détiennent la clé pour régler la famine dans le monde, une affirmation réfutée par les opposants des OGM, qui les accusent d'hypocrisie puisque, pour l'instant, ces entreprises produisent surtout des aliments de luxe destinés aux consommateurs occidentaux. À leurs yeux, la famine est davantage un problème de distribution équitable que de production...
Source : Radio-Canada
Journaliste : Sophie-Hélène Lebeuf
Intégrateur : Luc Lavigne
Bonjour,
RépondreSupprimerJe voulais simplement attirer votre attention sur un article paru dans le monde. Il semblerait que les étapes du nouvel ordre mondial continuent gentiment leur cour…
http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/02/19/pour-la-banque-mondiales-les-prix-alimentaires-sont-proches-de-la-cote-d-alerte_1482774_3234.html
ce qui est intéressant c'est le commentaire de M. Zoellick
Quel en est le but ? Est-ce réellement pour informer ?? Pour tirer la sonnette d'alarme ??
Je voulais écrire directement avec les agents sans secret mais je n'ai aucun moyen de correspondance direct…
tu peux communiquer avec nous via notre e-mail:
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C'est enregistré.
RépondreSupprimerMerci !!
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